Il y a longtemps que je n’ai pas évoqué ici l’actualité nationale ou internationale. J’avoue que je n’ai pas toujours envie de parler de thèmes que les journaux, les radios, les télés et le net traitent parfois jusqu’à plus soif, et je ne vois pas toujours ce que je pourrais rajouter à la pléthore de commentaires des journalistes, des chroniqueurs, des éditorialistes, et même des citoyens qui s’expriment de plus en plus (un exemple : les commentateurs des blogs de medias sur Internet).
Il faut dire aussi qu’à voir la marche en avant (sans aucun doute vers le mur) de nos gouvernants, que ce soit en France ou en Europe, on a de quoi être dégoûté. François Béranger (eh oui, encore lui !) chantait déjà, en 1997, « En avant pour le grand bond en arrière » !
La liste est tellement longue des reniements et des reculades des soi-disant socialistes au pouvoir, de leurs cadeaux aux riches, que la rappeler ici aurait deux conséquences immédiates : 1. me (et vous) donner la nausée, 2. en oublier la moitié.
Peu à peu, et c’est un gouvernement dit de gauche qui est aux manettes, nos acquis sociaux volent en éclats, dans l’indifférence à peu près générale. Voire l’approbation de beaucoup.
Je dirais simplement que les assistés ne sont pas ceux que l’on croit, mais bien les grandes entreprises (et les journaux nationaux qui servent la pensée dominante, c’est-à-dire le libéralisme, qu’il soit ou non « social ») ; que les pires fraudeurs (ceux qui coûtent le plus au pays) ne sont pas ceux que l’on vous désigne, mais bien les plus riches qui savent très bien garder et faire fructifier leur argent. Ceux qui prennent la peine de s’informer savent tout cela. Les plus démunis, mais également les classes dites « moyennes », font les frais de mesures quasi quotidiennes qui sont perçues comme des violences.
Mais ce qui motive aujourd’hui cet article, c’est la violence brute, le scandale de la mort de Rémi Fraisse.
Je ne sais pas qui était ce jeune manifestant. Je ne sais pas s’il était un adepte de l’action dure, comme le suggèrent quelques medias, ou un écologiste sincère et pacifique, comme le disent José Bové et Cécile Duflot. Et après tout, peu importe. Chacun peut avoir son opinion sur les moyens de lutte, et on sait que les divergences sur leur efficacité existent et font débat.
Ce qui apparaît dans cette douloureuse histoire, c’est qu’un jeune homme a été tué, par une grenade offensive lancée par un garde mobile, tout ça pour un barrage qui visiblement ne serait là que pour satisfaire quelques exploitants adeptes de l’agriculture intensive.
Depuis 1986, plus aucune personne n’avait été tuée au cours d’une manifestation. 1986, c’était il y a 28 ans, c’était Malik Oussekine, frappé à mort par un flic « voltigeur » de Pasqua, ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, tendance droite dure.
Aujourd’hui, on dit (et pour la majorité de la population c’est perçu ainsi) que la gauche est au pouvoir. Il arrive donc qu’un flic tue également sous la gauche. Les grenades offensives doivent « normalement » être lancées en roulant sur le sol et les policiers le savent bien. Ils savent aussi que ces armes ont déjà fait des dégâts (mains arrachées en 2013 en Bretagne et en 2001 à Lille, au cours de manifestations).
L’actuel ministre de l’Intérieur déclare qu’il n’acceptera pas qu’on accuse la police ou la gendarmerie. C’est sa première réaction à la mort d’un jeune homme. Le Premier ministre tient le même discours et évoque les « casseurs ».
Le Président de la République attend trois jours avant de réagir, et après avoir dit sa compassion pour la victime, il en appelle à la « dignité » et à la « tempérance ». Sans doute comme le Président socialiste du Conseil général du Tarn, qui a osé déclarer : « Mourir pour des idées, c’est une chose mais c’est quand même relativement stupide et bête. Mais je tiens à dire que je comprends et je me mets à la place des parents dans cette situation. » Pauvres parents qui ont la malchance d’avoir eu un fils stupide et bête !
Des manifestations ont lieu ici et là à la mémoire de Rémi Fraisse. Il se peut qu’il y ait des « débordements », c’est la seule chose qui inquiète le gouvernement.
Quant au policier qui a jeté la grenade, si on le retrouve (Hollande a promis comme d’habitude de « faire toute la lumière » mais il va se heurter à Cazeneuve et Valls qui refusent qu’on mette en cause les forces de l’ordre), il pourra toujours dire, comme en d’autres temps, « Je n’ai fait qu’obéir aux ordres ».
Je disais plus haut que j’étais dégoûté. Le mot est bien faible.
Rémi Fraisse avait l’âge de mon fils, et peut-être du vôtre. La vie devant lui.